FAIRE UNE ANALYSE DE FILM
I. L’histoire racontée par le film
Il s’agit de prendre en compte ce qui se déroule dans le film, ce qui constitue le monde représenté par le film.
Il s’agit d’analyser la manière qu’a le film de raconter l’histoire.
Au sens technique, le montage est l’opération matérielle qui consiste à mettre les plans (cf. plus bas : III. A.) bout à bout. C’est donc le montage qui détermine en majeure partie la construction du récit. La question à se poser est : comment passe-t-on d’une image à une autre ? quelles relations de sens s’instaurent entre les images ?
La juxtaposition de deux plans est le raccord. Le plus souvent le réalisateur vise à atténuer l’effet de rupture en utilisant la bande son (raccord sonore), les dialogues, le jeu de l’acteur, la mise en scène…
Pour différentes raisons, le cinéaste peut chercher à accentuer l’effet de rupture entre deux plans et établir ainsi une ponctuation forte dans le film. La plus fréquente est le fondu, qui consiste à obscurcir progressivement l’image (fermeture) ou à la faire progressivement apparaître (ouverture).
Un film étant constitué de centaines de plans, il est intéressant de noter si le découpage cherche à établir des liens et/ou des effets de rupture (toujours porteurs de sens) : le cinéma classique utilise majoritairement des raccords pour lier les plans et assurer une fluidité au film mais certains films modernes peuvent se passer de raccord pour faire ressentir au spectateur les oppositions qui traversent l’univers représenté sur l’écran. Ce sont deux visions du monde qui sont alors proposées : l’une cohérente, unie ; l’autre, au contraire, désarticulée.
III. La mise en scène (de l’image et du son)
Il s’agit de dégager ce qui caractérise le style (proprement cinématographique : la spécificité de la représentation au cinéma), l’esthétique du réalisateur.
Le cadrage est l’organisation de l’image délimitée par les quatre côtés de l’écran (champ), jouant sur l’échelle des plans, les angles de prise de vue, la profondeur de champ, les mouvements de caméra et la lumière. C’est un élément important car il impose au spectateur un point de vue sur ce qui est représenté.
Le travail de l’image, au cinéma comme en photographie, emprunte un certain nombre de règles et de techniques à la peinture. Une des règles les plus courantes est la règle des tiers, sur laquelle repose la construction de bien des toiles de maître. Il s’agit de projeter sur le cadre une grille imaginaire qui le découperait en trois parties égales, horizontalement et verticalement. Sauf volonté marquée de contrarier la règle, par exemple pour jouer d’une symétrie, le sujet est placé sur l’un de ces axes forts, idéalement à l’un de leurs points d’intersection.
Traditionnellement, il convient de ne pas placer deux détails importants sur deux points d’intersection (ils s’affaibliraient) ni, à l’inverse, de placer un détail qui n’a pas d’importance sur un point fort car ce dernier parasiterait le sens de l’image.
Le centre d’intérêt de la scène est souvent déporté sur le côté - côté gauche car c’est là que notre cerveau, façonné par la lecture de gauche à droite, viendra le chercher. Cela rejoint la règle de l’aire, qui consiste à placer un personnage à gauche de l’écran, de manière à laisser un espace libre à droite, espace dramatisé, ouvert sur l’action et le hors-champ.
Le champ est l’espace visible à l’écran. Il est délimité par le cadre.
On peut distinguer deux grandes familles de cinéastes : ceux qui centrent tout sur le sujet filmé, et ceux qui composent le cadre, l’image (à la manière d’un peintre) : ces derniers peuvent avoir recours au surcadrage (un cadre est placé dans l’image : cf. une fenêtre : élément de stabilisation du cadre), ils peuvent faire intervenir des effets de symétrie ou de perspective dans le cadre. Il est intéressant de noter si le cadre est fixe (cf. cadre fermé, qui n’implique pas de hors-champ et enferme le personnage) ou mobile (cf. personnages entrent et sortent du cadre, échappent à la caméra).
Le mot plan est polysémique : il désigne à la fois les images enregistrées au cours d’un fonctionnement ininterrompu de la caméra (entre le « moteur » et le « coupez ») - on parle alors aussi de prise - et la manière de cadrer un personnage, selon différentes « échelles », qui vont en quelque sorte de l’objectif au subjectif et dont la règle peut être résumée ainsi : plus la caméra s’éloigne de l’objet filmé, plus on donne de l’information au spectateur ; plus la caméra se rapproche, plus on dramatise le plan, plus on donne de l’émotion au spectateur (au cinéma, contrairement au théâtre par exemple, en très gros plan, un battement de cil constitue un événement !).
Les angles de prise de vues sont définis par l’emplacement de la caméra.
A l’intérieur d’une scène, la caméra peut opérer un certain nombre de mouvements.
Un dernier élément à prendre en compte dans l’analyse du travail de l’image est la lumière. Le plus souvent, la lumière naturelle est insuffisante : il faut donc la retravailler, selon les choix du cinéaste (c’est pourquoi la lumière fait partie de la mise en scène d’un film). Le réalisateur peut soit choisir une lumière sans effet particulier, qui reproduit le plus possible la lumière naturelle, soit au contraire opter pour une lumière beaucoup plus sophistiquée, de manière à créer des effets dramatiques particuliers (faire ressortir la méchanceté d’un personnage, par exemple) ou des ambiances particulières (scène d’angoisse, par exemple).
Les couleurs peuvent également avoir une fonction symbolique (couleurs chaudes ou froides), dramatique ou narrative (associer telle couleur à tel personnage, ou à tel lieu).
La bande sonore est intéressante à étudier dans ses rapports avec l’image. Le mixage est l’opération au cours de laquelle on conjugue les bandes sonores (en gros une demi-douzaine correspondant aux paroles, à la musique, aux bruits…) et la bande image.
Il y a a-synchronisme (ou contrepoint) quand l’image ne correspond pas au son. La voix off en est en exemple. Off se dit d’un son, d’une réplique, d’un commentaire, d’un bruit, d’une musique dont la source n’est visible ni dans le plan ni hors-champ. Ce terme ne s’applique pas exclusivement au son et peut désigner tout ce qui est situé hors-champ.
Deux précisions pour conclure. L’histoire du cinéma - comme de toute autre forme d’art - n’est faite que de remises en cause et de transgressions des différentes règles et techniques établies. S’il importe de les connaître, c’est pour mieux juger du degré d’innovation et d’originalité de l’auteur. Par ailleurs, cette liste de procédés est trop rapide pour épuiser toutes les ressources mises à disposition du cinéaste. Le cinéma, par son histoire comme par ses modes de représentation, est un art de l’illusion et, pour créer l’illusion, il peut recourir à des moyens nombreux et variés : cascades, emploi de doublures, images virtuelles, trucages, effets spéciaux, ralentis, accélérés, etc.